Amplificateurs opérationnels (AOP)
Qu'est-ce qu'un amplificateur opérationnel (AOP)?
Un amplificateur opérationnel (AOP, ou OpAmp en anglais) est un circuit intégré dont la fonction de base est, comme son nom le suggère, l'amplification. Il est en outre "opérationnel" en ce sens qu'il permet de réaliser des fonctions de type "arithmétique" (inversion, addition, soustraction...).
Précisons un peu tout cela...
Un AOP est, à la base, un système amplificateur différentiel. Amplificateur et différentiel car il amplifie la différence des tensions appliquées sur ses deux entrées, souvent notées e+ (entrée dite "non inverseuse") et e- (entrée dite "inverseuse"). Le facteur d'amplification est appelé le gain.
On aura donc un composant comportant deux entrées et une sortie. En règle générale, les AOP requièrent une alimentation symétrique (positive et négative), mais certains modèles acceptent une alimentation postive simple.
L'AOP est symbolisé
par un triangle pointant à droite. Il comporte deux entrées et une sortie.
L'entrée notée e+ est dite non inverseuse et l'entrée
notée e- est dite inverseuse.
L'AOP amplifie la différence entre V1 et V2 par un facteur d'amplification, le gain, qui est constant (et gigantesque, voir plus loin). L'alimentation de l'AOP est ici symétrique (+Vcc et -Vcc); une alimentation non symétrique reste souvent possible. |
Voici, à titre documentaire, le schéma équivalent d'un AOP très répandu, le 741. Il s'agit d'un modèle déjà ancien et parmi les plus simples. On observera le montage particulier des transistors bipolaires en entrée (inverting et non inverting input pour "entrée inverseuse" et "non inverseuse"):
Principe de fonctionnement d'un AOP
Voyons concrètement ce qui
se passe lorsque l'on applique des tensions continues V1 et V2 aux deux
entrées d'un AOP.
La figure ci-contre reprend les deux cas possibles d'alimentation de l'AOP, symétrique (à gauche) ou simplement positive (à droite). |
L'AOP fonctionne, en fait, comme un comparateur: il compare V1 et V2, et de cette comparaison dépendra l'état, haut ou bas, de sa sortie (Vout). Ce que nous pouvons résumer à l'aide du tableau suivant:
Alimentation symétrique | Alimentation non symétrique | |
V2 > V1 | Vout = presque +Vcc | Vout = presque +Vcc |
V1 > V2 | Vout = presque -Vcc | Vout = presque 0 |
En d'autres termes, on aura une sortie haute (proche de +Vcc) ou basse (proche de 0 ou de -Vcc).
On notera qu'il existe toujours une petite différence entre la tension disponible en sortie (output voltage swing, en anglais) et la tension d'alimentation. Cette différence fait partie des caractéristiques propres à chaque modèle d'AOP, mais elle reste en général très faible, voire quasi négligeable.
On pourrait définir l'AOP "parfait" ou "idéal" (celui de la théorie) comme un amplificateur de différence pur à gain différentiel infini, dont l'impédance d'entrée est infinie (pour ne consommer aucun courant de la source) et l'impédance de sortie est nulle (pour fournir un courant infini à la charge).
De plus, cet AOP parfait présenterait une largeur de bande infinie et un décalage en tension nul, rejeterait parfaitement le mode commun, et serait en outre insensible aux variations de température et de tension d'alimentation.
Mais on sait qu'en ce bas monde, rien n'est parfait...
Dans la réalité, on constate, par rapport à ce modèle théorique idéal, quelques "défauts" (souvent minimes, il est vrai)... Ces divergences entre l'AOP "réel" et l'AOP "parfait" donnent lieu à divers paramètres, qui sont répertoriés et quantifiés dans les data sheets des fabricants. Nous allons en étudier quelques uns...
Caractéristiques générales des AOP
Avant de décrypter une data sheet, voyons quelles sont les caractéristiques générales communes à la plupart des AOP disponibles:
technologie bipolaire (µA741...), BI-FET (LF353...), CMOS...
gain en boucle ouverte de l'ordre de 100.000 (souvent exprimé en décibels)
impédance d'entrée très grande (de l'ordre de 2 MW pour un µA741, de 106 MW pour un LF353...)
impédance de sortie très faible (de l'ordre de 75 ohms pour un µA741)
courant disponible de l'ordre de 25 mA
bande passante du continu à 1 MHz (LM324), 2 MHz (µA741), 4 MHz (LF353)...
Ajoutons à cela que la plupart des AOP, notamment le LM324, acceptent volontiers une alimentation non-symétrique.
Prenons pour exemple un AOP très courant (et très bon marché), le µA741. Voici son brochage:
Le µA741, en boîtier DIL 8. Ce boîtier comporte un seul AOP; d'autres modèles peuvent en comporter 2 (dual) ou même 4 (quad). La broche 8 n'est pas utilisée (NC pour not connected).
Voici maintenant un extrait de la fiche technique du µA741:
DC ELECTRICAL CHARACTERISTICS
SYMBOL | PARAMETER | TEST CONDITIONS | Min | Typ | Max | UNIT |
VS | Supply voltage | +/- 18 | V | |||
VIN | Differential input voltage | +/- 30 | V | |||
VOS | Offset voltage | RS = 10 k | 2,0 | 6,0 | mV | |
IOS | Offset current | 20 | 200 | nA | ||
IBIAS | Input bias current | 80 | 500 | nA | ||
Vout | Output voltage swing | RL = 10 k | +/- 12 | +/- 14 | V | |
CMRR | Common Mode Rejection Ration | 70 | 90 | dB | ||
VIN | Input voltage range | +/- 12 | +/- 13 | V | ||
RIN | Input resistance | 0,3 | 2 | MW | ||
ROUT | Output resistance | 75 | W |
A quoi correspondent tous ces paramètres?
VS et VIN ne nous sont pas inconnus: il s'agit de la tension (symétrique) d'alimentation du c.i. et de la tension différentielle maximale. Nous avons également signalé que les impédances d'entrée Rin (input resistance) et de sortie Rout(output resistance) sont respectivement très grande et très petite, ce que confirment les valeurs fournies.
Tension de décalage en entrée (input offset voltage)
Si les deux entrées e+ et e- sont reliées à la masse, la tension différentielle devrait bien evidemment être égale à 0. Or, dans la pratique, on peut vérifier l'existence d'une tension continue de sortie Vout... Le phénomène s'explique par une infime dissymétrie dans la géométrie des entrées. Ce décalage (input offset voltage, noté VOS) peut être compensé en montant une résistance ou un potentiomètre monté sur les entrées offset null, ce qui a pour effet de forcer la sortie à 0 quand les entrées sont elles-mêmes à 0.
Modèle | VOS Input Offset Voltage (typique) |
LM324 | +/- 2 mV |
µA741C, CA1458 | 2,0 mV |
LF353 | 5 mV |
Courant de polarisation en entrée (input bias current)
Les deux entrées d'un AOP sont, on l'a vu, des transistors (bipolaires dans le cas du µA741). Leur polarisation devrait être rigoureusement identique, ce qui n'est jamais le cas et provoque, du fait d'un décalage de courant (input offset current), un décalage de la tension de sortie Vout. Le remède consiste à monter une résistance sur l'entrée non inverseuse.
Amplitude de la tension de sortie (output voltage swing)
Le paramètre Vout fournit la valeur maximale de la tension en sortie, cette tension ne pouvant être, naturellement, supérieure à la tension d'alimentation.
Taux de réjection en mode commun (common mode rejection ratio)
Dans le cas où les deux tensions V1 et V2 sont égales, la tension différentielle est nulle (elle vaut 0). On dit alors que l'AOP amplifie en mode commun (common mode, en anglais).
On voit bien que ceci n'est pas souhaitable, car cela n'a guère de sens d'amplifier une tension nulle... En fait, un signal mode commun correspond en général à un parasite, et par conséquent il doit, ou devrait, être rejeté par l'AOP. Celui-ci n'étant parfait, on risque de trouver en sortie une amplification partielle de ce parasite. Les fabricants spécifient donc un common mode rejection ratio (CMRR), ou taux de réjection en mode commun, qui correspond au taux entre l'amplification en mode différentiel (la bonne) et celle en mode commun (la mauvaise). Ce taux est exprimé en décibels (dB): plus il est élevé, plus l'AOP s'oppose au mode commun.
Modèle | CMMR (valeur typique) |
LM324 | 70 dB |
µA741C, CA1458 | 90 dB |
LF353 | 100 dB |
Lire la data sheet d'un AOP (suite...)
Prenons maintenant pour exemple un autre modèle d'AOP, lui aussi très courant, le LM324.
Ce quadruple AOP en boîtier DIL 14 présente d'intéressantes particularités, notamment la possibilité de l'alimenter avec une tension continue positive comprise entre 3 et 30 V ou une tension symétrique comprise entre +/-1,5 V et +/-15 V.
Qui plus est:
son gain en boucle ouverte atteint 100 dB
il consomme très peu de courant (1 mW par AOP sous 5 V)
la tension différentielle Vin peut être égale à la tension d'alimentation Vcc
la tension de sortie peut atteindre 0 V (pas de décalage) ou la valeur de (Vcc - 1,5 V)
Voici un court extrait (simplifié) de sa data sheet:
SYMBOL | PARAMETER | Typ | UNIT |
IOUT | Output current | 20 | mA |
GBW | Unity gain bandwidth | 1 | MHz |
SR | Slew rate | 0,3 | V/µV |
Nous avons déjà parlé du courant de sortie (output current), sa valeur typique est ici de 20 mA.
Les deux autres paramètres, contrairement à ceux que nous avons vus jusqu'à présent, se rapportent non pas au mode continu, mais au mode alternatif.
Fréquence à gain unitaire (unity gain bandwidth)
La fréquence à gain unitaire (unity gain bandwidth) est la fréquence à laquelle l'AOP n'amplifie plus (ou, si l'on préfère, amplifie par un facteur 1). En effet, le gain de l'AOP chute quand la fréquence augmente: ce phénomène caractérise sa réponse en fréquence (frequency response, en anglais).
Réponse en
fréquence en boucle ouverte (sans contre-réaction, voir ci-après).
Plus la fréquence augmente, plus le gain en tension diminue, jusqu'au moment où il devient unitaire (égal à 1, donc 0 dB). Sur le graphique ci-contre, on voit que le gain reste voisin de 120 dB jusqu'à une fréquence un peu inférieure à 10 Hz, puis il commence de chuter d'environ 20 dB chaque fois que la fréquence est multipliée par 10. |
Pente de la tension maximale de sortie (slew rate)
Le paramètre SR (slew rate) est la pente de la tension maximale de sortie (on parle aussi, parfois, de "temps de réponse"), autrement dit la vitesse de variation maximum du signal. On l'exprime en volt/microseconde (V/µs). Le SR indique la fréquence maximale d'utilisation de l'AOP sans distorsion du signal.
On notera que ces deux paramètres sont liés. Ainsi, le GBW du LM324 est de 1 MHz et son SR de 0,3 V/µV; pour le LF353, on a des valeurs de 4 MHz et 13 V/µV respectivement.
On vient de le voir, le gain de l'AOP diminue quand la fréquence augmente. Si on désire augmenter la bande passante, il faut donc (hélas) réduire le gain. C'est donnant-donnant...
On y parvient grâce à la
technique de la contre-réaction, qui consiste à
réinjecter une fraction de la
tension de sortie Vout sur l'entrée inverseuse e-, comme le montre la
figure ci-contre.
On a alors un retour du signal en opposition de phase par rapport au signal d'entrée. Le signal de sortie viendra se soustraire au signal d'entrée de manière à faire travailler l'amplificateur dans sa partie linéaire. |
En faisant varier le ratio de la tension réinjectée par rapport à la tension de sortie, on peut aisément contrôler le gain de l'AOP.
Lorsqu'on utilise un AOP avec une contre-réaction, on dit qu'il fonctionne en boucle fermée.
Ce qu'il faut retenir, en bref:
un AOP amplifie la différence des tensions appliquées sur ses deux entrées, l'une étant dite "non inverseuse" et l'autre, "inverseuse"
l'alimentation est en principe symétrique, mais une alimentation positive est souvent possible
le gain (facteur d'amplification) en boucle ouverte est faramineux: souvent supérieur à 100.000
l'impédance d'entrée est très grande, l'impédance de sortie très petite
le gain diminue à mesure que la fréquence augmente; la bande passante va en général du continu à 1 ou 2 MHz pour les AOP en technologie bipolaire
le courant maximal disponible atteint environ de 25 mA
les AOP modernes sont désormais très proches de l'AOP "parfait"